Tibet |
test (Lhasa - Kathmandu 15-27 mai 05) Le vent nous teste. Il aura souffle pratiquement non stop durant les 800 km qui separent Lhasa de Kathmandu. Il aura souffle dans le mauvais sens: en pleine face. Il nous aura vu batailler, pousser sur les pedales comme jamais nous n'avons du le faire. Il nous aura fait fermer les yeux et grimacer devant ce magnifique haut plateau tibetain, de par sa force et sa violence. Il nous aura forcer a nous arreter de temps a autre, pour reprendre notre souffle, ou pour tout simplement rester debout. Il nous aura retirer l'air des poumons, et violemment projeter sable et poussiere a la figure. Il nous aura vu lui hurler dessus "arretes!" et meme l'injurier. Il nous aura vu a d'autres moments resignes, acceptant sa presence - a-t-on le choix? -, et l'affrontant avec toute notre energie, sans relache. Il nous aura vu lui rire au nez alors que nous attaquons la descente de notre dernier col (5120m): nous avons reussi malgre tout. Et alors que nous passons ces cols au-dessus de 5000m, entoures de ces fameux 8000 dont nous lisons les mysteres, aventures et autres conquetes depuis que nous sommes enfants, nous nous demandons bien comment le vent doit souffler la-haut, au sommet de l'Everest ou du Cho-oyu...? Nous aurons la reponse a Tingri, ou nous rencontrons un Italien et son guide nepalais qui redescendent d'une expedition reussie au Cho-oyu: 160 km/h. Un vent enorme en cette saison, qui n'aura vu qu'une dizaine de personnes arriver au sommet du Cho-oyu cette annee (moins de 5% de reussite). Les velos nous testent. A mi-parcours, la roue libre de Mike (la partie du moyeu arriere qui permet de rouler sans pedaler) declare forfait. Nous ne nous attendions pas a celle-la, apres 8000 et quelques kilometres. Nous n'avons pas de pieces de rechange. Alors, dans un vent qui souffle sans discontinuer, au milieu d'une tempete de poussiere, nous cherchons une solution. Mike, evidemment, la trouvera: il bloque le mecanisme de la roue libre et attache la cassette arriere aux rayons, avec des bouts de fil de fer que nous trouvons sur la piste. Il ne pense pas que ca tiendra longtemps, et surtout que les rayons ne tiendront probablement pas le coup, mais a-t-on le choix? Nous sommes au Tibet de maniere pas completement legale et ne pouvons donc prendre un bus. Notre visa expire dans quelques jours. Et nous sommes bien loin de magasins de velo. Il nous reste encore 2 cols au-dessus de 5000 a franchir. Au sommet du premier, 4 rayons ont casse. Mike ameliore donc sa reparation: au lieu du fil de fer, il utilisera les rayons casses, et les attachera directement au moyeu arriere qui a maintenant des trous disponibles pour attacher. Mike reussira donc a faire 400km sur une piste vraiment pas bonne, sur un velo de piste: le principe, c'est de ne jamais s'arreter de pedaler. Si on s'arrete, on est ejecte, comme Mike le verifiera de lui-meme apres quelques kilometres... Et donc tous les matins, Yvoine lui dit: "n'oublies pas de pedaler" mais ce n'est pas la peine. Les velos nous auront teste, mais Mike aura ete impressionnant d'ingeniosite et de tenacite sur son velo pour nous amener jusqu'a la frontiere. Quel soulagement quand nous arrivons au dernier col: la roue a tenu! La route nous teste. Nous nous attendions a une amelioration des routes sur la "friendship highway" (la route qui va de Lhasa a Kathmandu) parce-qu'elle est pratiquee par les touristes depuis pas mal d'annees maintenant. Et bien non! En cette annee 2005, a l'approche des jeux olympiques, la Chine travaille son image: re-construction des routes dans tout le pays, y compris au Tibet, puisque les Chinois projettent de profiter de Beijing 2008 pour faire la promotion de la Chine au monde entier. Le Tibet est bien entendu sur la liste. Alors comme d'habitude, qui dit re-construction dit destruction d'abord. La piste est cabossee, ensablee, trouee, deviee, rocailleuse, et faite d'obstacles. Nous naviguons au milieu des bulldozers et des camions, crachant poussiere et autres debris. Nous faisons des detours a droite a gauche alors que les chinois posent leur systeme d'irrigation. Si seulement ce vent pouvait s'arreter, et cette poussiere, et ces trous, et ce sable... Mais nous connaissons maintenant bien notre nouvelle theorie de la relativite, celle des voyageurs cyclos: ne jamais souhaiter autre chose, parce-qu'il y a toujours pire... Si la piste est cahoteuse, elle pourrait etre boueuse. Si elle est boueuse, elle pourrait etre ensablee. Si elle est ensablee, il pourrait y avoir des vents contraires. S'il y a des vents contraires, il pourrait pleuvoir. Etc, etc. Pour l'instant, nous nous rejouissons que le velo de Mike tienne le coup, et nous continuons d'avancer. La soif de pouvoir et la nature humaine nous testent. A nos questions sur le panchen lama et le dalai-lama, les visages souriants de ces tibetains se ferment: "nous n'avons pas le droit de parler de cela; je ne peux meme pas faire confiance a mon cousin ou a personne, ils ont tous besoin d'argent..." Ou encore l'histoire de cette famille tibetaine de 5 enfants, qui en a envoyes 3 a Daramsala, parce-que c'etait la seule facon pour eux de garder leur culture, leur langue, leur croyance vivantes. Nous prenons le temps de parler avec l'une des filles de cette famille: a 5 ans, ses parents l'ont envoye a Daramsala. Aujourd'hui, a 20 ans, elle est de retour au Tibet (depuis 1 mois lorsque nous la rencontrons) parce-que ses parents vieillissent. Pendant 15 ans, elle n'a eu aucun contact avec ses parents: ni physique, ni par courrier, ni par telephone. 15 ans sans voir leur fille, c'est le choix qu'ont fait ce pere et cette mere pour que leur identite, leur culture, leur foi aient un futur... Aujourd'hui reunis, ils se rencontrent presque pour la premiere fois, comme s'ils etaient etrangers. La vie nous tente. Alors que les conditions nous testent, les signes d'encouragement sont reguliers et frequents. Nous oublions tout de ce vent et de cette poussiere, quand le soleil levant vient colorier de rose la cime enneigee du Cho-Oyu. Nous nous sentons si petits et si admiratifs quand le Mt Chomolangma (Everest) nous fait face. Alors nous reviennent en memoire les souvenirs de ces personnes, proches ou moins proches, dont l'histoire est liee a ce sommet: Gary Ball, Rob Hall mais aussi "los tres"... Nous ne pouvons que sourire a la vie quand les drapeaux de priere multicolores flottent au vent, ou que dans la lumiere doree des premieres heures matinales, les bergers conduisent moutons, chevres et yaks sur les vastes plateaux secs tibetains. Nous ne pouvons que remercier notre bonne etoile, ou Dieu ou la vie ou qui/quoi encore?, lorsque les rayons du soleil viennent nous rechauffer, et illuminent torrents, glaciers et sommets de leur plus beaux rayons. Que nous continuons d'avancer sur cette route qui nous mene vers l'ouest, et que de col en col, de vallee en vallee, nous continuons de decouvrir et de rencontrer. |
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