vu, vecu et raconte par Gwenael...
Un jour de printemps, je demande par mail a Mike et a Yvoine si un escargot comme moi peut les rejoindre quelque part cet ete. La reponse fut positive, ils seraient en Iran!
Et me voila donc a les rejoindre, apres avoir equipe quelque peu mon velo et pas trop ecoute tous les gens qui me disaient que c'etait impossible de faire du velo en Iran en ete avec la chaleur et encore plus pour une femme. Je les ai retrouves en pleine forme a Shiraz. Il y avait aussi une surprise a "quatre jambes" qui les attendait: Laure et Herve. Nous avons visite tous les cinq Shiraz quelques jours, tous contents de se retrouver. Nous avons decouvert les mosquees, Persepolis mythique, le jardin de Hafez, les maison de the.
Nous sommes partis en velo pour Hamedan, via Isfahan. Laure et Herve en bus. On leur a dit au revoir, le bus allait trop vite pour nous. Je me suis fondue dans l'equipe rodee d'Yvoine et Mike. Si rodes qu'ils sont (presque) arrives a ce que je ne sente pas que je les ralentissais. Avec deux ou trois fois plus de poids de bagages que moi, Yvoine est devant a me proteger du vent, Mike derriere a regler la vitesse et verifier que tout allait bien. Et me donner tous les conseils dignes d'un entraineur professionnel. J'ai pu assouvir ma curiosite sur tous les points pratiques et techniques de leur voyage, y'a pas a dire, ce sont de vrais pros!
En chemin, on faisait des pauses pour admirer le paysage et reprendre de l'energie en
biscuits ou noix en tous genres. On ne faisait souvent qu'un seul "vrai" repas par jour
(des kebabs sous toutes leurs formes) quand on passait dans un village. Le soir on ne
campait pas trop loin de la route dans des endroits parfois tres beaux, parfois un peu
moins suivant le niveau d'ordures autour... Dans les grandes villes Yvoine et Mike
recherchent les cafes espresso. C'est bien sur pour le cafe mais aussi parce-qu'ils sont souvent les endroits les plus branches et relax... des vrais indics!
Yvoine et Mike me disaient avant de partir, tu verras quand on voyage a velo, la relation avec les gens est differente. Effectivement, c'est dur de ne pas s'arreter tout le temps avec les gens qui nous offraient des peches, des pommes, des prunes, qui voulaient nous dire quelques mots ou juste nous observer. Une fois, on a meme ete invites dans une famille dont le pere etait prof d'anglais (avant la revolution) puis prof d'arabe. Des gens tres gentils qui ont offert un tapis persan a Yvoine et Mike fait par la mere (2 mois de travail!). Ce qu'ont le plus apprecie Yvoine et Mike, c'est qu'ils ont demande combien ils avaient de soeurs. Parce-qu'au Pakistan, on ne parle pas des femmes, elles n'existent pas. Yvoine est devenue une pro en farsi. La presentation usuelle donne a peu pres ca: "dochare savari kardan Singapour-France, bischt hezar km, Mike shohar, na
batche, Gwen dust" (nous voyageons en velo de Singapour en France, 20 000km, Mike est mon mari,
nous n'avons pas d'enfant, gwen est une amie). Le fait qu'ils n'aient pas d'enfant deroute les iraniens. Et puis, on voit a leur tete s'ils comprennent vraiment ou pas. Pour beaucoup je pense, ce voyage est trop irrealiste pour se le representer. Mais quand ils comprennent, on voit alors un regard mele de surprise, d'admiration et de questionnement... Mike et Yvoine peuvent sortir leur carte du monde! Une fois, Mike a meme eu droit a une interview televisee par la chaine d'Isfahan, une vraie star!
Mais il y a aussi les jeunes en mobylettes. En Iran, il y a quasiment 30% de chomage. Les jeunes qui n'ont connu que la republique islamique (depuis 1980) et qui n'ont rien d'autre a faire, passent leur temps en mobylette (60 litres de diesel pour 1 euro) et etaient tous contents du divertissement qu'on representait! Parfois, ils nous posaient juste les questions usuelle, mais une fois, ils nous ont suivi pendant plus d'une heure, plus de 15, en essayant de nous aborder par tous les cotes. On a beau crier, d'autres iraniens s'arreter, on a eu beaucoup de mal a les semer. On a reussi a se cacher pour camper, mais on a entendu les mobylettes nous chercher tard dans la nuit. On sent que ces jeunes sont tres influencables et on se demande ce que ca va donner pour le futur.
Le trajet a velo dans les montagnes arides etait superbe. Je comprends que j'ai pu me rejouir qu'il n'ai fait que dans les 40 degres avec des denivelees que de 1000 metres, sur de l'asphalte sans vent, sans quasiment que l'on soit malade! Autour des rivieres, il y avait parfois des rizieres qui donnaient un vert eblouissant. Un jour, on a meme reussi avec Yvoine a trouver un coin a l'abri des regards et se baigner dans la riviere qui nous tendait les bras depuis des km, quel bonheur!!
Isfahan etait epoustouflante par ses mosquees en faience vert et bleu profonds, ses ponts en arches, ses jardins ou pic-niquent les iraniens. Ces si belles oeuvres, paisibles et somptueuses, denotent tellement avec l'integrisme et l'image que l'on a du pays. Les profs d'anglais amenent leurs etudiants dans les lieux touristiques, pour qu'ils puissent parler avec les etrangers. Mike a ainsi pu raconter son periple a des gamins hyper interesses autour du palais Chehel Sotun, ca fait plaisir! Le quartier armenien d'Isfahan procurait une atmosphere encore plus differente. Les foulards etaient tres colores et a peine couvrants, le maquillage jaillissait et on a croise des iraniennes a velo! Une fois, un conducteur de taxi nous a meme sermonne en farsi tout ce qu'il pensait de negatif sur le regime islamique (avant il etait prof).
On a aussi vu la police musulmane (femmes en manteau noir, hommes en chemise blanche) en action pour nous rappeler qu'on ne sait pas de quel cote va evoluer le pays! Les femmes descendaient leur foulard a leur approche mais bien souvent les relevaient 50m plus loin. Sinon, hors des grandes villes, les femmes allaient le plus souvent en manteau noir, assez oppressant, mais paradoxalement on en voit parfois donner le sein dans la rue! Sur la route, il y avait la police, devant laquelle j'ai appris a passer sans m'arreter avec un grand sourire en les saluant, alors qu'ils nous demandaient la plupart du temps de nous arreter. J'entendais Mike derriere mois dire "don't stop, keep going" car ils en avaient marre de s'arreter pour rien, les policiers voulant la plupart du temps juste discuter.
D'Isfahan, on est reparti pour Hamedan. J'ai pu en chemin passer mes 1000 km (chacun ses references!). J'ai quitte Yvoine et Mike avec les larmes aux yeux. Je suis rentree a Teheran en bus qui a eu une panne d'essence pour agrementer le parcours.
A voyager sur un velo, on se demande comment on pourra encore voyager autrement et comment on pourra s'arreter de voyager. Ce qui fait plaisir, c'est d'entendre Yvoine et Mike parler sans cesse de leurs prochains voyages, a velo, en cheval ou a moto, sans ou avec enfants, dans les coins ou ils n'ont pas encore pu aller. |