Iran |
"j'aimerais vous donner toutes mes tomates!" Il nous restait donc encore un bout de desert a traverser. 350km a travers le fameux Dasht-e-lut, le desert sale du sud-est de l'Iran. Nous avions deja bien mange du desert au Pakistan, et revions d'eau, d'arbres verts et d'herbe grasse, mais il y a un temps pour tout. Et pour l'instant, le temps etait au desert. Alors, apres notre petit arret dans l'oasis de Zahedan, accueillis par une charmante famille iranienne, soulages, heureux de retrouver les femmes (certes voilees mais presentes, et avec le visage ouvert), nous retrouvons le vide, le sable, et le vent. Ah le vent, notre miserable compagnon qui continue de siffler et de souffler. Maudit vent qui nous tourbillone dans les oreilles et dans la tete, sans fin, immuable. Ne t'arreteras-tu donc jamais? Alors nous continuons de pousser, de souffler et de pedaler. Et finalement, d'avancer! Dans ce desert, il y a encore moins que dans le desert pakistanais. Les routes etant goudronnees et bien meilleures que chez leur voisin oriental, les conducteurs de camion iraniens n'ont pas besoin d'arret the et nourriture tous les 30 ou 40 kilometres. Et puis l'exode rural qui a eu lieu en Iran ces dernieres annees a aussi accelere l'abandon des quelques petits villages et oasis qui ponctuent notre carte de temps a autres. Laisses a l'abandon du desert, ils ne survivent pas longtemps. Ce sont donc des troncons de 100 km que l'on se retrouvent a faire parfois, sans RIEN entre! A part, biensur, de simples petites mosquees, de facon reguliere: une dalle de beton et un toit en taule. Mais a notre grande deception, sans maison de the a cote, chose inimaginable au Pakistan voisin! Nous avancons au rythme des citadelles: couleur de sable, elles se dressent sur la ligne d'horizon, l'une apparaissant des que l'autre disparait. Et au rythme des mosquees, pour leur ombre... D'ou nous nous faisons bien souvent accoster par des policiers arrogants, si fiers de leur uniforme, qui nous enjoignent de continuer. Parce-que c'est trop dangeureux. Le Dasht-e-lut est empli de brigants. Armes. Qui vont nous attaquer. Il est vrai que nous nous sommes dans une zone de traffic actif de drogue (croisee du Pakistan, de l'Afghanistan et de l'Iran). Mais leurs menaces mimees et parfois hurlees ne nous touchent pas plus que cela, avachis que nous sommes sous une chaleur de plus de 50 degres. Seule une menace bien visible et tangible nous feraient quitter notre coin d'ombre... Les quelques points d'eau, a notre grande surprise, nous offrent de l'eau salee! Nous n'y avions pas pense. La encore, nos amis les conducteurs de camions viennent a notre rescousse. Avec un luxe innatendu! C'est ainsi qu'yvoine peut serieusement impressionner Mike un jour alors qu'il se repose sous un petit bout de mosquee au milieu de rien. Elle revient non seulement avec les gourdes emplies d'eau mais aussi, top fiere, avec 2 cannettes de Fanta super fraiches, sorties directement du frigidaire de la cabine du camion VOLVO tout neuf qui venait de s'arreter... Le camionneur, avec la generosite si typique des iraniens, etait pret a vider son frigidaire pour nous! Sable. Vent. Sable. Vent. Rien, rien, rien. Mosquee. Sable. Nous avancons. Et enfin, nous arrivons a Bam, tristement connu pour le tremblement de terre qui a tue des dizaines de milliers de personnes en 2003. Le desert a proprement parle est derriere nous! Certes, nous attendent encore des kilometres en zones arides, mais le desert, c'est fini! Quelle joie! Nous nous accordons une journee de repos et de celebration (la fin du desert) a Bam. Ce voyage nous offre tellement de raisons de celebrer. En fait, tout est occasion de fetes: la fin du desert, le passage d'un col, le franchissement d'une frontiere, la victoire sur le vent, ou sur une route boueuse. Et il ne nous faut finalement pas grand chose pour arriver a feter: une bonne tasse de the, un jus de fruit ou un cafe, un bout de chocolat ou un peu de confitures de framboise... Le velo tourne tous ces petites choses de la vie quotidienne en moments extraordinaires! Bam est un triste spectacle, meme 2 ans apres, de maisons detruites et d'immeubles ecroules. Partout, partout, nous ne voyons que les signes de ce drame. La rue principale est une ligne de containers d'ou operent maintenant les magasins et autres maisons de the et restaurants. Tres peu, si peu!, a ete reconstruit. Alors que nous deambulons dans les rues de Bam, en direction de leur fameuse citadelle elle aussi detruite, nous reviennent en memoire les gros titres de la presse qui ont occupe les medias internationaux en 2003, l'espace de quelques jours. Et depuis? Le sensationnel mort, on a presqu'oublie. Mais le paysage d'aujourd'hui est si triste. Seuls les palmiers (Bam est la capitale iranienne des dattes), robustes, verts et massifs ont survecu. La reconstruction est encore a venir. Le desert derriere nous, nous foncons vers les montagnes! Nous sommes comme des aimants, attires par ces reliefs. C'est plus fort que nous. Nous grimpons, montons, et perdons en meme temps des degres. En route pour Jiroft, au milieu des montagnes rocailleuses. Nous recontrons notre premier signe europeen: un couple franco-iranien en voiture s'arrete et nous interpelle. Ils sont de Bordeaux! Qu'il est bon de retrouver un peu de familiarite le long de la route! La descente sur Jiroft est vertigineuse: sous un soleil radieux, la tete dans le guidon et les fesses en l'air, le vent nous chante dans les oreilles cette fois-ci! Zoom, zoom, zoom, lacet apres lacet, le sourire plus grand que la figure, nous nous abandonnons aux pentes. A Jiroft, nous sommes accueillis par une autre famille. Qu'il est bon de partager un repas avec hommes, femmes et enfants. Tous reunis autour d'un meme tapis (en Iran, pas de table mais des tapis). Hommes pakistanais, et de tous les pays, un conseil: gardez vos femmes en vue. Elles apportent un bon equilibre a notre monde! Le lendemain, nous quittons Jiroft et nous attaquons a notre col suivant. Ce sera en fait notre denivele quotidien record: plus que le Tibet! Nous ne nous y attendions pas. Nous grimpons 2300 metres, sur des pentes faites pour des regions qui ne connaissent ni la neige ni le gel: 13% a 20%! Nos mollets et nos cuisses sont au travail! La montee est directe et sans detour! Nous sommes recompenses de l'autre cote par un magnifique plateau et un spectacle aux milles couleurs. Les champs de ble rayonnent d'or, en contraste avec les montagnes seches aux tons marrons et violets, et les peupliers et les lemoniers d'un vert si vifs. Ils dansent doucement dans le vent. Apres 2300 m de deniveles, nous crevons de faim. Une voiture lit nos pensees et s'arrete, nous offrant eau, dattes, concombres, pommes et bonbons! Ils sont si nombreux ces iraniens a s'arreter et nous offrir un bout de fruit, une tasse de the, un peu de nourriture ou un brin d'amitie... Un coup en haut, un coup en bas, nous nous regalons. Certes les paysages sont encore un peu trop arides a notre gout (Mike reve des forets primitives de Nouvelle Zelande, si vertes et gorgees d'eau!) mais que nous aimons ces espaces non-plats. Nos coeurs sont a la derive. Le velo comme on l'aime! Un coup en haut, un coup en bas, quelques petites montagnes, un plateau aride, une belle route. Et un flash numerote 84! Il passe rapidement relativement a nos vitesses mais Yvoine est sur-excitee. Son bras se lance en l'air sans autre forme de proces, et fait des grands coucous. Le flash, c'est une plaque d'immatriculation francaise, 84, Avignon! Le 4*4 s'arrete et en sort, effectivement, une famille francaise, en vacances en Iran. Nous parlons quelques moments avant qu'ils ne repartent. Pour faire demi-tour 5 minutes apres: "ca vous dit de bivouaccer ensemble?" Nous prenons donc rendez-vous 20 kilometres plus loin, pendant lesquels nous avons le temps de recuperer du raisin et une belle pasteque a partager pour le dessert (nous refusons le the!). Fabrice et Valerie et leurs deux enfants Vincent et Florence, nous offrent une soiree de luxe. Pour nos corps et tetes eprouves du desert, qu'il est bon de partager quelques heures en leur compagnie! Les raviolis Barilla italiens (les memes qu' on mangeait a Sydney quand on n'avait pas beaucoup de temps pour preparer a dinner!) et leur sauce tomate, et l'antesite sont un repas de rois! La douche (ils ont transportent 150 litres d'eau) au milieu de ces zones arides est un moment precieux. S'assoir sur des chaises autour d'une table, a bavarder, partager nos aventures, et rever nos nouveaux projets, nous profitons de quelques heures de chaleur et d'amitie. Et meme, a la fin du repas, Fabrice nous fait un espresso, un vrai! Soiree surprise qui nous redonne de l'energie pour rejoindre Shiraz. Du cote de Neyriz, nous attaquons notre dernier col avant Shiraz. Ce col est a l'image de l'Iran et des Iraniens. Un taxi descent en sens inverse alors que nous attaquons tout juste la montee. Il disparait derriere nous... pour revenir 5 minutes plus tard avec 2 enormes pasteques qu'il vient de recuperer au marche. Yvoine (porteuse de la nourriture) arrive a negocier de n'en garder qu'une. Nous rattaquons la montee, la pasteque (10 bons kilos) solidement attachee au porte-bagages. Un peu plus loin, une camionnette bleue nous croise, emplie de tomates, de belles tomates. Nous l'entendons freiner derriere nous. Puis faire demi-tour. Puis s'arreter a cote de nous: "excusez moi, je peux vous poser quelques questions?" Nous nous arretons et faisons la connaissance d'Ibrahim, cultivateur de tomates a Neyriz, en route pour Yazd pour les vendre. C'est le premier iranien a vraiment comprendre notre periple. "D'ou venez-vous?" nous demande-t-il. "De Singapour!" repondons nous fierement (et dans un flash nous nous rappelons notre rencontre avec un soldat australien en exercice en Malaysie, notre premier jour sur les velos. Nous l'avions croise alors que son battaillon s'entrainait dans la jungle malayse. La conversation ressemblait a peu pres a ca: soldat: "vous allez ou?" nous: "en France" soldat: "a velo?" nous: "oui" soldat: "et vous venez d'ou?" nous: "de Singapour, c'est notre premier jour...") Lorsqu'Ibrahim apprend que nous venons de Singapour, il regarde dans le vide pendant 1 minute, fronce le front et les sourcils, reflechit fort fort puis finalement nous regarde et s'exclame: "mais Singapour, c'est loin de l'Iran, ca?" Avant de grimper a l'arriere de sa camionnette et nous remplir un sac de tomates (10 bons kilos). Lorsqu'Yvoine tente de lui expliquer que 10 kilos de tomates sont suffisants, plus que suffisants, Ibrahim se retourne avec un enorme sourire et le plus serieusement du monde nous declare: "j'aimerais vous donner toutes mes tomates!" Nous repartons donc a l'assaut de notre col, avec notre pasteque et nos tomates. Au sommet nous attend 4 jolies filles qui nous ont depasse a la montee en voiture. Elles nous attendent en applaudissant notre ascension et notre arrivee au col, et nous offrent figues et eau fraiches! Le soleil se couche a l'horizon, nous descendons quelques kilometres avant de trouver un lieu pour camper au milieu des figuiers. Quelle journee! Le lendemain, nous repartons vers Shiraz, ou nous retrouvons 1+2 amis! Nous savions que Gwenael nous attendait a Shiraz, mais elle est venue avec une double surprise: Herve et Laure sont aussi venus, et ensemble, nous succombons aux delices des retrouvailles et de Shiraz. |
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